Le Garçon/Marcus Malte

Editions Zulma 2016

 

PRIX FEMINA 2016

« Ce roman est  une météorite tombée dans les plates-bandes du monde littéraire. » Mona Ozouf, Présidente du jury du Prix Femina

 

 Résumé :

Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin – d’instinct.
Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d’un hameau perdu, Brabek l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l’amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois sœur, amante, mère. « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation.
Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubresauts de l’Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l’immense roman de l’épreuve du monde.

 

Mon avis :

 

Aujourd'hui j'ai décidé de vous parler de ce roman que j'ai dévoré en quelques jours. Le Garçon est une histoire véritablement originale, qui débute comme un roman initiatique. Un jeune garçon de 14 ans vit au milieu de nul part, loin des hommes dont il ignore quasiment l'existence en dehors de quelques colporteurs et d'une femme sans âge qu'il porte sur son dos. Il ne parle pas, ne connaît que quelques mots et ne possède que son instinct animal qui lui procure le sentiment de survie, le devoir de se nourrir, de boire, de se protéger du froid. Il a été élevé coupé du monde par une mère qui ne lui a même pas témoigné l'amour maternel nécéssaire aux enfants. Ainsi lorsque celle-ci disparaît, il a tout à apprendre. Son instinct lui dicte de retrouver la vie des hommes sans véritablement savoir comment. J'ai beaucoup aimé la description du chemin vers la civilisation de cet homme ''préhistorique'', sa sortie d'une caverne qu'il découvre au détour de ses errances, comme s'il vivait lui-même, à travers sa progression de la découverte du monde, les milliers d'années de l'évolution de l'espèce humaine. Et le parallèle avec la date 1908 où on expose les dernières découvertes scientifiques, comme si deux mondes, celui de la nature de l'homme animal affronte notre monde scientifique. L'homme s'émerveille d'un rien, de la nature, des animaux, alors que l'homme moderne ne se rassasie jamais assez de ses découvertes. Alors qu'il prend le temps de s'arrêter dans un bois pour manger des baies, s'allonger, contempler le ciel, le siècle file, les découvertes s'accumulent toujours plus vite. Le texte est remarquable et très poétique, on a la sensation d'une lecture ''fluide''. Le texte est fluide et pourtant d'une très grande beauté stylistique. Des tournures de phrases, des images, des métaphores, probablement très recherchées et qui semblent pourtant si naturelles. Le garçon voyage, découvre des personnes très étonnantes. Il tombe dans un hameau de campagne où Joseph, un vieil homme père de ''l'idiot du village'' le prendra sous son aile, lui fera découvrir en quelque sorte l'amour paternel. Il a pourtant du mal à se faire une place au sein de cette petite communauté. L'étranger fait peur, il apporte le malheur. Exploité parce-qu'il ne connaît pas la valeur du travail et de l'argent, il travaille gratuitement et se fait pourtant rejeter par une société qui paraît encore plus archaïque que lui avec ses superstitions dont il peine à comprendre le sens. Dans un bois, il rencontre l'Ogre des Carpates, un lutteur qui parcours le monde dans sa roulotte et qui lui fera découvrir l'amitié. Il sera véritablement le premier à rompre la solitude du garçon. Il lui fera découvrir les villes et ses différentes facettes. Puis un jour il découvre l'amour avec Emma, celui d'une sœur, puis d'une mère et d'une amante. Ensemble ils découvriront l'amour sous toutes ses formes, de la tendresse à l'amour bestial et érotique. Puis arrive 1914 et les horreurs de la guerre. Le garçon qui venait de découvrir la civilisation doit faire renaître ses instincts primaires, celui de la survie, de la sauvagerie animale, oublier son humanité et le sentiment de pitié, celui qu'il ne connaissait pas le jour où il a jeté une pierre dans le visage du fils de Joseph, juste pour voir couler le sang. Désormais, il se doit d'être cruel, il ne doit plus se faire d'amis, ne plus s'attacher à ses frères d'armes qu'il risque de perdre à tout moment. Pour se sauver il doit oublier et retourner à son état initial. Oublier tout? Non, pas Emma, elle est sa boussole, son objectif, survivre pour la retrouver. L'auteur ne cache rien, il explique peut-être parfois d'une façon assez crue les ébats amoureux, fait rougir le lecteur, puis l’écœure, le dégoûte, le fait réfléchir sur la condition des hommes et celle de la nature mais il le fait toujours d'une façon très poétique et philosophique.

Une fois le livre terminé, je me suis demandée si en fin de compte notre héros aurait dû découvrir la société des hommes. Cela m'a fait pensé à quelques articles que j'ai lu récemment sur des tributs amazoniennes qui vivent loin de nous, sans connaître notre existence. Notre civilisation ne nous tue t-elle pas plus qu'elle nous aide à vivre en nous éloignant des choses essentielles? 

En ce qui concerne la fin de l'histoire, je suis plutot contente, car je n'en voyais pas d'autres alternatives ;)